lundi 9 mars 2015

TransGranCanaria 2015

Un long récit, à propos d'une longue aventure...
Cela faisait depuis la fin de la saison 2014 que j'avais décidé de participer à la TransGranCanaria. Depuis, j'ai beaucoup rêvé, pensé, ruminé, espéré, à propos de cette course sur laquelle je me suis cassée les dents en mars 2014, faute d'une préparation suffisante. Mais voilà, en janvier, je dois subir une opération sans gravité, mais qui m'éloigne de la course à pied pendant un bon mois. Vient ensuite un stage avec le Team Hoka à Madère, au cours duquel je prends tellement de plaisir à courir que j'en oublie toute prudence et me blesse à un genou et à un talon d'Achille.
3 semaines, deux séances chez l'ostéopathe et pas mal d'huile à l'arnica plus tard, me voici dans l'avion pour les Canaries, confiante quand à mon état de forme mais peu sereine quand à celui de mon genou.
Je passe une première nuit à Garanon, magnifique village de cabanes rustiques au milieu des forêts de pins,


puis vais me promener longuement dans le sublime parc national qui l'entoure. Suivent deux jours de rêve à l'hôtel Sheraton, avant, enfin, le départ tant attendu.

Les choses commencent assez mal pour moi puisque je commence par défoncer la voiture de location contre un poteau de béton, en voulant sortir pour rejoindre ma navette!
Dans la navette qui me mène au départ, je me sens assez émue. Il fait nuit, j'ai sommeil, et pourtant on est tous partis pour courir toute la nuit et une bonne partie de la journée du lendemain, quelle aventure! A Agaete, jolie petite ville qui abrite le départ, l'ambiance est incroyable. En 2014, j'avais d'ailleurs trouvé cela agressif, de débarquer là à une heure à laquelle je dors habituellement depuis longtemps, avec le bruit, la foule, le vent, la pluie...
Mais cette fois il ne pleut pas; au contraire, une sublime pleine lune nous éclaire; et je vis les choses très différemment puisqu'au contraire, je me sens portée par cette ambiance de folie.
Le départ est donné, sous les encouragement de milliers d'Espagnols survoltés. Ce qui est bien, avec ces ultras, c'est que cela part doucement. Pas de poumons qui brûlent, ni de souffle court, ça fait du bien!
Etrangement, je me retrouve en tête, ce qui n'est pas dans mes habitudes de début de course. Pourtant, je sens bien que je ne vais pas trop vite. Au bout d'un moment, Emilie Lecomte me dépasse assez rapidement. Dans la première descente, Nuria Picas me bluffe par son aisance et sa rapidité. S'ensuit une petite baisse de moral, due au fait que je me fais beaucoup doubler. La machine à douter se met en route, et les pensées négatives m'assaillent. Pour la première fois depuis que je fais du trail, je me décide à écouter de la musique.
L'effet est fulgurant! Les pensées négatives s'envolent et surviennent au moins 2 heures d'état de grâce, d'autant plus que, malgré la nuit, je me rends bien compte que les sentiers sont magnifiques. 
A Artenara (KM 35) m'attend Javier, mon assistant Canarien. Il est efficace, il m'encourage et je repars toute contente, jusqu'à ce que je me perde. Bêtement, je m'enferre dans mon erreur, espérant voir un balisage un peu plus loin. C'est alors que je me retourne et aperçois des frontales sur la montagne d'en face! 
Argh! Je suis consternée! Après avoir essayé sans succès de rejoindre le bon chemin à travers des jardins, je me décide à faire demi tour et pique un sprint pour rejoindre le bon chemin. Je me retrouve derrière un coureur que j'avais dépassé bien avant Artenara. Je suis furieuse et déprimée, d'autant plus que la douleur aux genoux se réveille et que je sens que quelque chose ne va pas au niveau intestinal. C'est le début d'une longue série d'arrêts derrière des buissons... en gros, à chaque descente, je perds une ou deux minutes à m'arrêter, jusqu'à ce que, enfin, au bout de 10 arrêts, je n'aie plus rien à évacuer (désolée pour ces détails scabreux :-) )
J'ai aussi souvent mal au ventre et donc mal au dos, ce qui s'ajoute à une douleur au genou qui devient intense. 
Je me raccroche à ma musique, pour tenter de rester positive, mais la fin de nuit devient difficile, d'autant plus que je fais encore 3 petites erreurs de parcours. (Le balisage était franchement excellent au début et à la fin mais vraiment défaillant sur une portion d'une trentaine de kilomètres)
Lorsque le jour se lève, cela fait déjà huit heures que l'on court. Cela fait longtemps que je ne mange plus, me nourrissant à la boisson énergétique (Hydrixir Longue Distance sans Gluten). Je bois par contre beaucoup et j'ai l'impression que cela me suffit pour l'instant. Le paysage est beau, j'ai encore des souvenirs très présents de 2014, et je vis comme une petite victoire le fait de dépasser le caillou sur lequel je m'étais arrêtée 10 mn. Le vent se fait de plus en plus violent, au point qu'il est parfois difficile de marcher droit.
Soudain, ma musique s'arrête! Plus de batterie! Quel drame! Je me force alors à ne pas trop penser, ne pas me concentrer sur mon ventre douloureux et mon genou défaillant pour plutôt me laisser nourrir par le paysage.
Au loin, j'aperçois Roque Nueblo, enfin! Je me dis que, une fois là bas, ce sera un jeu d'enfant que de gagner l'arrivée... En fait, une fois enfin arrivée dans ce lieu magique, je vois un panneau qui me plonge presque dans un état dépressif: "META, 50 km".


A ma montre, il est pourtant marqué 81 km! J'ai envie de crier à l'escroquerie: le parcours devait faire 125 km, pas 131! Je me rappelle que je me suis perdue et que j'ai vaguement entendu dire que le parcours faisait plutôt 128 km... tout s'explique.
La traversée vers Garanon est magique.



J'y retrouve Javier, qui m'encourage. Je lui laisse les bâtons, pensant qu'il ne reste presque que des descentes. Mais en fait de descentes, commence une montée courte (400m) mais raide. Je rattrape alors les coureurs du Marathon. L'ambiance est incroyable: ils m'encouragent, me font une haie d'honneur, cela me galvanise. S'ensuit une superbe descente qui aurait dû être juste magique, sauf que mon genou me torture. Je boitille tant bien que mal, et suis obligée de crier des centaines de fois "Pasar", car les coureurs du Marathon sont nombreux et prennent vraiment tout leur temps. 
Un peu plus loin, je débouche sur un sentier pavé, avec de gros boulets irréguliers qui achèvent de me massacrer le genou. A ma grande consternation, je vois des coureurs beaucoup plus bas, et je constate que cette descente est interminable.
Enfin on arrive à Tunte. Il commence à faire chaud, je me trempe la tête dans une bassine et prend le temps de bien boire. L'idée de manger ne m'effleure pas une seconde. Rien que d'y penser, j'ai envie de vomir. S'ensuit une première montée, puis une deuxième. Je suis en train de me dire "Ouf, on en a fini avec les montées", quand je lève la tête et que je vois avec épouvante des coureurs tout en haut, très loin de moi!
Je clopine tant bien que mal, à peu près à la même allure que les gens qui m'entourent, dont on voit tout de suite que ce sont plus des coureurs loisir que des compétiteurs entraînés. L'ambiance est sympa et je suis contente d'être entourée. Je suis toujours un peu surprise que personne ne me revienne dessus car je vais de plus en plus lentement.
A partir de là, je mets ma montre dans mon sac, préférant ne pas me démoraliser en voyant les kilomètres défiler aussi lentement et les heures passer aussi vite. Arrivée au col, je vois un panneau "META, 30 km". Je préfère l'oublier de suite car j'ai du mal à m'imaginer parcourir encore 1 km, alors 30...
La suite devient de plus en plus cauchemardesque, avec des sentiers parfois hyper caillouteux, puis de longues pistes poussiéreuses. Le paysage cesse d'être beau vers le 105eme kilomètre. Je ne pense même plus, me traînant lamentablement dans ce désert. Heureusement, une Espagnole très gaie (et très opulente), court avec moi en chantant à tue-tête. Heureusement qu'elle s'arrête prendre des photos car cela me permet de la suivre un bon moment. Puis elle me dépasse, suivie de 5 coureurs de la TransGranCanaria. Je suis déçue de perdre des places mais incapable d'aller plus vite. J'ai l'impression qu'on me brûle les intestins et le genou droit.
Sur la fin, voyant qu'on enchaîne les kilomètres au fond d'un horrible lit de rivière au sol irrégulier alors qu'un beau trottoir bien lisse longe celui-ci, je commence à marcher en bouillant de colère. Je n'arrive plus à endiguer les pensées négatives que j'ai si longtemps contenues pendant la course. Lorsque, après un dernier détour sur une plage de sable, j'aperçois enfin l'arrivée, je ne suis ni contente, ni émue, juste fatiguée et encore en colère. 
C'est seulement le soir, dans mon lit bien propre, que je commence à ressentir une certaine fierté d'être allée au bout, d'avoir fait un podium sur cette course relevée, et d'avoir lutté contre la douleur et les pensées négatives avec autant de volonté.



Encore un immense merci à tous ceux qui me soutiennent, ma famille et mes amis, bien sûr, mais aussi HOKA ONE ONE (sans ces fabuleuses chaussures je ne serais pas arrivée au bout), le CABB, mon club, OVERSTIMS et COMPEX. 

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